Le réveil d'un Saint

Il y eu d’abord le son.

Ou plutôt un bruit. Un étrange bruit de roulis, s’approchant, puis s’éloignant. C’était inattendu, pour Raziel, d’entendre quelque chose. Il s’était habitué à être sourd, depuis sa mort. Et aveugle, par la même occasion. Pour l’instant, ce qu’il pouvait entendre était voilé, comme si sa tête étouffait sous une couche de plumes d’oies. Pourtant, il y avait bien un bruit… lointain… mais enfin, enfin! un bruit nouveau. Une perception à laquelle se raccrocher.

Puis il y eu une sensation.

Une sensation désagréable, comme si un vilain farceur s’était amusé à lui faire respirer du sel par le nez. Sa gorge le brulait intensément. Ou étaient-ce ses poumons eux-mêmes? Il toussa. Pour la première fois depuis ce qui lui semblait de longues, longues années. Mais une chose l’intrigua plus que le fait de pouvoir tousser. Le bruit montant de sa gorge lui parvint comme si ses oreilles étaient totalement bouchées, et il s’entendit « en interne ».
Dans un élan de courage, il chercha à bouger son corps engourdi. Ce qui se révéla vite être une mauvaise idée, car alors Raziel se rendit compte qu’une douleur fulgurante venait de le saisir à l’abdomen. Il resta donc étendu au sol, affaibli, sa conscience encore vacillante, à peine plus résistante que la flamme d’une bougie.
La douleur abdominale qui s’était emparée de lui s’estompa rapidement, mais une migraine vint prendre sa place, se logeant sans permission de chaque côté du crâne du Chevalier. Dans un grognement de mécontentement, Raziel releva légèrement la tête, dans l’espoir de pouvoir dégager son visage du sol. C’est à cet instant qu’il remarqua que le sol en question bougeait sensiblement à chacun de ses mouvements. En se concentrant sur cette nouvelle information, il finit par arriver à cette conclusion : c’était du sable. Etrange, pour quelqu’un dont le dernier lieu de vie fut une forteresse, que de se retrouver sur une plage. La migraine redoubla d’intensité.
Dans un ultime effort, et parce que ses sens lui revenaient peu à peu, Raziel prit appui sur son bras droit (qui lui paru étonnamment lourd), et réussi à se retourner sur le dos. Sa respiration se fit tout de suite plus facile. Néanmoins, ouvrir les yeux était pour l’instant inenvisageable. Las, il décida de prendre quelques minutes pour analyser le peu de sensations qui lui parvenaient.
Le bruit de roulis était toujours aussi étonnamment assourdi. Sa gorge était irritée et sa bouche sèche. Son corps était faible, ses mouvements patauds. Il était étendu sur du sable. Chaud. Il avait une migraine terrible, et peut-être une blessure au ventre. Et ses yeux refusaient toujours de s’ouvrir.

Certes. Et maintenant, que faire?

Avec un grimace, Raziel fronça les sourcils, puis les leva, étirant et assouplissant les muscles crispés de son visage. Au bout de quelques instants, il arrêta son mouvement, et prit une grande inspiration, qui gonfla sa poitrine et lui brûla la trachée. Puis, enfin, il ouvrit les yeux.
Pour ne rien voir du tout.
Une lumière, sans doute naturelle, l’éblouit avec force. Il lui fallut encore plusieurs minutes d’adaptation. Après cela, il fit une nouvelle tentative, plus concluante cette fois-ci. Ouvrant de nouveau les yeux, il vit le ciel, inexistant depuis sa mort. C’était un ciel magnifique, d’un bleu sans le moindre nuage, et sans la trace grise habituelle de décadence qui régnait à Nosgoth. L’air était chaud et humide. Climat peu connu du Chevalier.
C’est alors que Raziel aperçut une bande noire au dessus de son champ de vision. Il leva le bras droit, lentement et avec mille précautions, et tapota la masse qui formait un arc au dessus de ses sourcils. Un bruit métallique lui parvint.

*Mon casque?* pensa-t-il, non sans surprise.

Sa force parcourait de nouveau son corps, et il en profita pour tenter de se mettre en position assise. L’expérience lui donna un léger tournis, mais il réussit à se redresser.
La main droite sur la partie dégagée de son front, l’autre derrière lui pour retenir ses épaules chancelantes, le Séraphéen se mit à réfléchir à toute vitesse, comme si son cerveau était enfin sorti de sa léthargie. Il ne lui semblait pas connaitre cet endroit. Et il n’avait pas souvenir de s’être allongé ne serait-ce qu’une seule fois sur les rares plages de Nosgoth. Cela aurait été le meilleur moyen de se faire éventrer par un Vampire. Il releva la tête, observant une mer inconnue, un sable neuf sous ses jambes, et un ciel trop bleu pour être celui de son pays natal.

*Où suis-je?...*

D’une main, il saisi les sangles qui retenaient son casque et les défit. Puis, cette fois des deux mains, il retira la pièce de métal qui gênait sa vision. Il pu découvrir avec soulagement que ces tympans étaient intacts, et que la sensation cotonneuse qu’il avait éprouvée venait du sable humide accumulé entre son crâne et l’intérieur de son casque.
Il écouta un moment le bruit des vagues, agréable roulis aux sonorités aqueuses qui lui plaisaient beaucoup.
Mais le temps passait et Raziel avait trop chaud, les jambes et le bassin encore un peu enfoncés dans le sable, et son épaisse armure qui lui semblait bien lourde, à cause la fatigue.
Il se leva donc, toujours un peu groggy, mais après tout, vivant!
Une fois debout, il effectua un demi-tour, avec une certaine appréhension… Il aurait été bien dommage de tomber nez à nez avec une île déserte, sans la moindre trace de nourriture. Et Dieu seul savait à quel point, en cet instant, Raziel avait faim.
Sa surprise fut immense quand, au lieu d’un lieu désertique, le Chevalier vit, au loin mais bien réels, des bâtiments. Des maisons, apparemment. Mais il était trop loin pour bien voir l’architecture de ces habitations.
Sa découverte lui donna une toute nouvelle énergie. Motivé, il fit quelques pas, avant d’être piqué par une douleur déjà ressentie auparavant. Même si elle était moins vive, la douleur de son ventre s’était réveillée. Raziel posa son casque au sol, et défit en vitesse les liens du plastron de son armure. Sous le métal et le tissu, il découvrit une plaie, étrangement à demi cicatrisée (comme si une force extérieure accélérait la guérison), qui formait une longue ligne assez fine, partant de la gauche de son nombril et s’arrêtant au-dessus de sa hanche gauche. Une longue ligne verticale, gonflée, rougie, mais saine.
C’est alors que son combat -fatal- contre ce Vampire à la peau bleue lui revint en mémoire. Oui, il avait combattu cette créature démoniaque, ce parasite (le seul qu’il n’avait pas senti venir!), et il avait été vaincu. Embroché par une épée au pouvoir obscur. Et après avoir perdu tout son sang sur les dalles du sol de la forteresse, sa forteresse, il était mort aux pieds de son assassin.
De rage, Raziel frappa le sable de ses poings. Geste inutile, mais qui soulagea légèrement sa frustration mêlée de colère.
A cet instant, il jura en son for intérieur de venger sa propre mort (car il ETAIT mort, c’était une certitude, et peu importait pour lui dans quel endroit, quel monde allait se dérouler sa nouvelle vie) et celle de ses compagnons d’armes. Il allait se venger, d’une façon, ou d’une autre.
Car la colère sans limite qu’il ressentait avait besoin d’un bouc émissaire.
D’un pas décidé, plastron replacé et casque sous le bras, Raziel s’avança vers cette ville qui lui tendait les bras.
Marmonnant des mots incompréhensibles mais surement pas très poétiques, il failli ne pas remarquer un objet brillant enfoncé dans le sable. Au dernier moment, un rayon de soleil se répercuta sur le métal de l’objet et aveugla momentanément le Séraphéen. Intrigué, il s’approcha et découvrit sa propre épée, intacte, sous une pellicule de sable doré.

Avec un sourire de contentement, il la dégagea de sa prison et repris sa route, espérant croiser quelqu'un en mesure de le renseigner... et de lui indiquer une auberge.

Suivi par le petit Ohachiyo, Hao Asakura se promenait sur la plage. Il ne pensait pas à grand-chose sur le moment, il se contentait d’admirer la pureté de l’air et le décor presque onirique de la plage. Cette promenade dura un bon moment, tournant en rond, faisant des zigzag, allant presque jusqu’à se mouiller par les vagues. Ohachiyo ne disait rien et se contentait de suivre les traces d’Hao. Quelques heures plus tard, la faim se fit ressentir et les deux compères songeaient à rentrer pour trouver un repas. C’est là qu’ils virent une silhouette au loin. Hao resta planté où il était tandis qu’Ohachiyo continua de marcher vers sa direction. Il se mit à courir, de manière ridicule vu que c’est une sale bestiole kawaï et que ça ne sait pas courir ce genre de truc, pour être bien en face de lui et le dévisager.

Ok. Un humain, avec une armure, et une épée. Ohachiyo se mit à rire et à le regarder d’un air narquois. Même pour une raison particulière, juste pour l’énerver. Oui, ça énerve quand quelqu’un se met à rire et à te regarder d’un air narquois. C’est du vécu, du vrai vécu ! J’en ai souffert ! Hum, je veux dire. Salut, ça va ? Il remarqua ensuite le casque qu’il portait sous le bras. Un casque, c’est pas fait pour être mis sur la tête ?

« Tu vas mourir si tu ne mets pas le casque sur la tête, tu sais ? Lança-t-il en guise de salutation. Tu n’es pas au courant des chutes de noix de coco sauvages qui traînent par ici ? » Puis il se mit à rigoler.

Hao quand à lui s’approcha lentement. Il devait sûrement s’agir d’un pauvre humain, faible et appeuré comme tous les autres. Mais au lieu de le chambrer, il commença poliment.

« Salut. Comment ça va ? » Tout en affichant un sourire jusqu’aux oreilles du style « Salut, je vis chez Amélie Poulain, tout va bien ». Il se baissa pour prendre Ohachiyo dans ses bras et rajouta à sa phrase, « J’espère qu’Ohachiyo ne t’as pas trop dérangé. »

Raziel eu juste de temps de sentir une aura de… d’écureuil mutant… non, lapin… quelque chose dans ce goût-là, avant de voir de ses yeux une chose blanche courir vers lui d’une manière peu gracieuse. Puis la bestiole en question se posta face à lui et se mit à rire sans raison apparente et à le défier du regard.
Ou alors la raison de cette hilarité n’était autre que Raziel lui-même. A cette idée, ce dernier releva imperceptiblement le bout de son épée, fronça les sourcils et failli ouvrit la bouche pour ordonner à cette sale bête de dégager le chemin, mais fut coupé en plein élan par l’animal en question, qui se mit, ô surprise, à parler.
Certes, les créatures étranges parfois mutées n’étaient pas si rares sur Nosgoth, mais en général, elles ne parlaient pas, les capacités de leur appareil vocal se limitant aux grognements hostiles.

Bref, Raziel eu le droit à un avertissement à propos de noix de cocos et du port du casque, avertissement qu’il ne comprit qu’à moitié (que pouvait bien être une « noix de coco », au fait?) et qu’il négligea de prendre en compte. Ce qu’il retint néanmoins, c’est que cette petite chose de couleur claire se moquait ouvertement de lui.

« Et toi, petit tas d’immondices, tu n’as pas peur que le peu de cervelle contenue dans ton minuscule crâne ne souffre de ce que tu appelles une 'chute de noix de coco’ ? Personnellement, je ne crains pas de mourir d’un léger coup sur la tête. Mais je doute que ton corps hideux de créature infernale résiste aux coups d’épée. »

C’est alors qu’un jeune homme, plutôt grand, brun et bronzé fit son apparition aux côtés du Chevalier. Décontenancé par le fait de ne pas l’avoir senti approcher, Raziel le dévisagea un instant, oubliant par la même la présence du petit démon blanc qui de toute façon ne présentait aucun intérêt. Même pas culinaire. Dommage.
Le jeune homme s’adressa au Séraphéen d’un air calme, presque détaché, mais en affichant néanmoins un large sourire, et tout en récupérant l’animal dans ses bras. Cette attitude nettement moins vexante que celle du pseudo-lapin eu pour effet de calmer Raziel, qui répondit d’une voix radoucie :

« Bonjour. Si tu fais allusion à cette pâle créature, alors non, elle ne m’a pas trop dérangé. »

Puis il ajouta, d’un air hautain : « Mais si elle t’appartient, sache que son éducation est à refaire. »

Satisfait d’avoir découvert un humain sur cette nouvelle terre, il plongea la pointe de son épée dans le sable, prouvant ainsi qu’il ne se voulait pas hostile envers le jeune homme, et déclara :

« Tu dois être un habitant de cette contrée. Peux-tu me dire où nous sommes, quelle est cette région? »

Derrière lui, la mer brillait de reflets enchanteurs, et le bruit des vagues était parfaitement perceptible. En cet instant, Raziel savait qu'il était peu probable qu'il tombe dans la mélancolie, car cet endroit était trop beau pour qu'il puisse regretter les terres corrompues de Nosgoth. Sa seule ambition pour l'instant était de reprendre des forces, puis de trouver une façon de venger sa mort, si cela était encore possible.

Hao se mit à rire. « L’éducation d’Ohachiyo est à refaire, mais je doute que je soie capable de faire quelque chose. Il est très têtu ». Ce dernier lui échappa des bras pour se mettre à marcher à côté, fixant l’épée de Raziel du coin de l’œil. Il savait vraisemblablement se battre. Mais il ne savait pas ce qu’était une noix de coco. En repensant à ça, Ohachiyo se mit à mourir de rire tout seul. Hao le regarda du coin de l’œil.

« Ne fais pas attention à lui, il est toujours comme ça. » Puis, pour répondre à la question de Raziel, il ne fit pas de détour. « Je ne viens pas d’ici. Je suis venu d’un… autre monde. Je présume que c’est la même chose pour toi. Je sais juste que par-là. » Il pointa la ville du doigt. « Se trouve Esperanza, une ville pourrie par les humains. C’est assez triste. Même après la mort, les humains ne font que se détruire lentement. »

Si Hao avait toujours son Spirit of Fire, il aurait dit un truc du style « Mais vas-y. Et laisse-toi corrompre misérable humain » puis aurait disparu avec son putain de géant fantômatique. Mais comme il n’a plus son Spirit of Fire. Il peut plus faire ça. Donc il se contenta de dire « Mais peut-être que cela te plaira. »

Ohachiyo profita de ce moment pour lui lancer une vanne débile. « J’ai l’impression que tu ne sais pas ce que c’est qu’une noix de coco ! Il s’agit d’un monstre géant avec six bras qui tombe souvent du ciel ! C’est très dangereux ! » Hao le prit par la main et le posa sur son épaule. Ce dernier se laissa faire et fit la moue. Ce n’était pas amusant, il se demandait même s’il n’allait pas faire une quelconque connerie pour pimenter le tout. Même si Hao lui en voudrait par la suite…


"J'ai l'impression que nous sommes dans un monde qui se situe après la mort. Mais étant arrivé ici que très récemment, je ne peux pas t'en dire beaucoup plus. Je suis navré."

Les fous-rires à répétition de la misérable chose nommée Ohachiyo (nom qui, pour Raziel, parût totalement idiot) commençaient à sérieusement irriter le Séraphéen. Et que le jeune homme brun ne semble pas vouloir faire l’effort de faire taire cette erreur de la nature ne faisait qu’empirer les choses. Raziel ne pu s’empêcher de retrousser légèrement la lèvre supérieure, plissant le nez dans un rictus de dégoût.

*Cette chose n’est que pure hérésie. Si cet… animal avait été sauvage, je l’aurais écrasé d’un coup de talon. Ca lui aurait appris à oser s’adresser de la sorte à un Prêtre Séraphéen.*

C’est alors que, rompant miraculeusement le fil électrique qui s’était formé entre Ohachiyo et Raziel, le maître de la créature se mit à parler. L’expression « autre monde » heurta douloureusement la logique du Chevalier. Un autre monde… un monde après sa mort. L’espoir pouvait laisser croire à Raziel que ce monde n’était autre que le Paradis. Après tout, ne l’avait-il pas mérité? En bon Séraphéen, il avait purgé son propre monde de la plaie vampirique, il avait occis des centaines de suceurs de sang, il avait prié sans relâche, il avait secouru le faible et le pauvre. Oui, ce monde était le Paradis.

Malheureusement, le doux optimisme de Raziel fut détruit par la remarque suivante de son interlocuteur. Une « ville pourrie par les humains »? Etrange. Les humains n’avaient jamais été source de malheur à Nosgoth. Seuls les Vampires étaient responsables de la décadence et de la maladie. Peut-être que ce jeune homme voulait dire par là que la ville souffrait d’un mal inconnu.
L’idée d’une Purge sanguinaire traversa l’esprit de Raziel, et il ne pu réprimer un frisson de plaisir anticipatoire.

« Esperanza… cela a l’air interressant. » Dit-il, plus pour lui-même que pour son public.

Bien sûr, la petite boule de nerfs qui tenait compagnie au jeune brun ne pu retenir une énième stupidité. Raziel, énervé, mais ayant bien conscience que trucider Ohachiyo n’amènerait rien de bon, répliqua avec le maximum de sang-froid dont il était capable :

« J’ignore en effet ce que sont les noix-de-coco. Et je n’ai que faire de ces monstres, si dangereux soient-ils. Je ne suis pas une proie si facile. Mais dis-moi… tu sembles ignorer que nous, Séraphéens, adorons les petites créatures grillées au feu de bois. Je suis sûr que j’aurais beaucoup à t’apprendre, vermine qui entache l’œuvre de Dieu. » Déclara-t-il à Ohachiyo, et à lui seul.

L’homme brun eu alors la bonne idée de rappeler discrètement son animal à l’ordre, le plaçant sur son épaule d’un geste souple.

« Je te remercie. Je vais continuer ma route vers Esperanza. Te rends-tu là bas, toi aussi? »

De sa main droite, Raziel épousseta le pant de tissu bleu ciel qui ornait le bas de sa tenue. Il retira ensuite son épée du sol, et fit mine d’amorcer un pas en direction de la ville toute proche. Le soleil était encore haut dans le ciel…

Il lui sembla un instant qu’il avait secrètement toujours espéré atterrir dans un lieu comme celui-ci.
Sans y faire attention, Raziel poussa un léger soupir de contentement.

Ohachiyo sentait bien que Raziel en avait assez de lui. Tant pis, cela l’amusait. Toutefois, ayant perdu sa capacité de fantôme, il pouvait se faire tabasser violemment et… ça ferait mal. Il se demandait aussi si lui donner des ordres par la pensée lui ferait un quelconque effet.

Hey ! Mais c’est une bonne idée ça. Il deviendrait fou… à lier ? Ohachiyo se mit à gesticuler tout seul sur l’épaule d’Hao. L’Onmyoji posa sa main dessus, pour bien lui faire comprendre qu’il fallait qu’il s’arrête quand même de faire sa merde. Parce que chiotte hein.

« Oui, je me rends à Esperanza. Nous pouvons faire un bout de chemin ensemble, si tu le désires. » Cet humain ne présentait quasiment aucun intérêt mais il serait peut-être amusant de le voir à Esperanza. Peut-être que les humains des autres monde sont moins insignifiant que dans le sien ? Ohachiyo quand à lui n’en pouvait plus, il fronça les sourcils et se mit en mode télépathie. Raziel allait en chier. Vraiment.

*Qui entache l’œuvre de Dieu hormis tes propos ? Seraphéen indigne !* Lança-t-il bien fort dans la tête de Raziel. *Cette créateur est beaucoup plus puissante que ce que tu imagines. Et les noix de coco aussi.* Ajouta le télépathe. En restant dans sa transe, il fixa Raziel et attendait avec impatience sa réaction. Allait-il hurler ? Ou prendre la chose avec philosophie ? Hao quand à lui, sentait bien que son fantôme avait fait une connerie. Mais il ne dit rien et continua à sourire, tout en commençant à marcher vers Esperanza.

"Au fait. Comment t'appelles-tu ?"

La possibilité d’avoir un inconnu comme compagnon de route n’aurait, en temps normal, pas séduit Raziel. Mais, étant perdu ou presque dans un monde encore plus inconnu que le jeune homme brun lui-même, le Chevalier se devait de faire des concessions.
Se qui l’énervait vraiment, c’était la présence du lapin mutant décoloré. Sale bête.

« Bien. J’espère que cette ville renferme des habitants plus anciens que toi et moi… »

Soudainement, une voix, forte et profonde, s’éleva juste à côté de lui. Par reflexe, Raziel tourna la tête à droite et à gauche, pour s’apercevoir que personne, en dehors de ses deux nouveaux acolytes, n’était présent. Les sourcils relevés, il se demanda si les légendes sur les pouvoirs de télépathie des Vampires étaient vraies, et s’il était victime de l’un d’entre eux… de toute façon, dans ce nouveau monde, tout était surement possible…

Et la voix l’insulta tout autant qu’elle le mit en garde contre la créature blanche.

D’abord perplexe, Raziel ne su que dire ou que faire. Mais alors son pendentif, doté d’une magie qui semblait avoir survécue à son voyage inter-dimensionnel, se mit à chauffer faiblement contre la peau de son torse. Suivant son instinct et l’énergie de l’orbe sacré, Raziel tourna la tête vers Ohachiyo. Une graine de doute se planta dans son esprit.
Mais au vu de la tête que faisait ce futur cadavre rôti, le Chevalier comprit que cet imbécile jouait avec son esprit, et ne put s’empêcher de dire

« Espèce de… » tout levant la main qui tenait son épée à hauteur de son épaule.

Mais bien vite le Séraphéen se reprit. Attaquer cette petite chose lui ôterait toutes les chances d’avoir un guide dans la grande ville d’Esperanza, même si ce guide savait peu de choses. Avec un très long et très audible soupir, il se tourna vers le jeune homme et ajouta, toujours l’épée à la main :

« Cette abomination devrait se taire. (Et il insista bien sur le dernier mot.) Je ne suis pas sûr que je vais supporter sa stupidité encore longtemps. Et il me serait désagréable de m’abaisser au point d’écraser une bête sans défense. Cela ne me rapporterait aucune gloire. Ah, et mon nom est Raziel. A qui ai-je l’honneur? »

Hao fut étonné de la réaction aussi hostile de Raziel. Effectivement, ce n’était qu’un humain futile, qui devait sûrement participer à la destruction du monde. Un humain à éliminer en somme. Il montra un tout autre sourire, un sourire bien plus machiavélique, avec un regard à glacer le sang. Et oui, je suis shonen dark cliché si je veux.

« Tu es tout petit. Je te déconseille de le sous-estimer. » Puis, il fit un mouvement de cape pour repousser de quelque pas le Séraphéen et se retrouva à nouveau avec son sourire béat, comme s’il ne s’était rien passé.

« Alors, on va vers Esperanza ? Je connais un quartier où ils font de bons cafés. Et nous rencontrerons sûrement un habitant qui pourra tout nous expliquer en détail. Ne t’en fais pas pour ça. »

Et d’ailleurs, Hao aimait bien le café. Il avait beau haïr toute l’humanité et toutes leurs découvertes, il aimait bien le café. Débile, certes, mais c’est comme ça. Le fantôme d’Hao ne fut nullement surpris de sa réaction « J’suis un badass guy » durant un quart de seconde. Ca lui arrivait fréquemment à ce type, un peu comme si c’était une impulsion. Y a des gens qui sont comme ça. Puis, d’un petit geste, il se souvint qu’il ne s’était pas présenté.

« Oh, je m’appelle Hao Asakura. Je suis enchanté de faire ta connaissance, Raziel. » Dit-il le plus naturellement du monde.

« Et moi, je suis Ohachiyo mais je crois que tu le sais déjà ! Raz’tête ! » Lança Ohachiyo rien que pour énerver Raziel. Le futur roi ne put s’empêcher de rire avant de lui tapoter sur la tête. « Arrête de taquiner Raziel. Ca ne se fait pas. » Puis il continua sa route vers Esperanza.

Complètement surpris par l’attitude de ses deux nouvelles connaissances, Raziel ne put s’empêcher de pousser un long soupir. Bien. Un rat-lapin dégénéré capable de brouiller le fil de ses pensées, et un type au regard de sociopathe, même si le pauvre Raziel ne connait pas cette expression, il faut admettre que c’est celle qui colle le mieux à Hao.

A la limite, le Chevalier aurait volontiers dit « fou du village », mais on n’insulte pas quelqu’un qui se propose de vous guider. Et qui propose des… ‘kaffey’. Intéressant.

Une fois les présentations terminées, Raziel mit quelques secondes à assimiler le nom aux consonances étranges du jeune brun. Heureusement, « Hao » était plutôt simple à retenir. Bien que vexé par l’attitude du petit monstre et par le parti pris de défense de Hao envers Ohachiyo, Raziel retint tant bien que mal son ton habituel et donc hautain, et déclara d’une voix rendue basse par la tension nerveuse:

« N’existe-t-il donc aucune cage pour cette bête-là ? »

Mais, ayant décidé qu’un combat aujourd’hui serait plus handicapant qu’autre chose, Raziel ajouta d’un air plus détaché :

« Dis-moi, Hao… est-il dangereux ici de se présenter l’arme au côté? Vois-tu, il est coutume à Meridian de tirer à vue sur un homme armé qui tente de passer les portes de la cité, et je n’ai plus de fourreau pour mon épée. Tu dois bien être alerté de certaines… ‘coutumes locales’, n’est-ce pas? »

Tout en parlant, il avait suivi les pas du jeune asiatique, et marchait le plus calmement possible (il aurait été plus calme sans une boule de poils prolixe près de lui).

L’immense banlieue d’Esperanza se dessinait au loin, plongée dans les vifs rayons du Soleil. Quelques maisons, plutôt petites et mal arrangées, faisaient leur apparition, semblant pousser toute droites hors du sable de la plage, rappelant étrangement à Raziel quelques villages perdus proches de sa cité natale.
Mais au lieu de nostalgie, le Séraphéen avait le sentiment profond que quelque chose l’attendait ici, quelque chose qu’il n’avait pas connu et n’aurait jamais pu connaitre dans son monde. Certes un peu confus par son arrivée récente dans ce lieu, Raziel pouvait n’être que sous le coup de l’émerveillement. Seul le temps saurait lui répondre…

Des cages pour Ohachiyo ? Huhuh. Il s’en échapperait aussitôt. Mais Hao comprit bien rapidement que Raziel en avait marre de la boule de poil. Il lui tapota donc sur la tête et continua sa route. Après tout, peut-être que Raziel n’était pas si inutile que ça ! Peut-être qu’il pouvait être utile à la quête d’Hao sur la domination du monde !

Non, je déconne. Raziel ne sert à rien.

Coutumes locales hein ? À vrai dire, vu les différentes formes de vie qui pouvaient atterrir sur ce monde, instaurer des règles de ce style serait un peu foireux sur les bords. Du moment qu’il ne se mettait pas à dégoupiller tout le monde. Enfin, même ça, ça passerait. Après tout, c’est un peu l’anarchie ici. La loi du plus fort. En fait, j’en sais rien et j’écris n’importe quoi pour gagner des lignes. Hao se contenta de répondre, toujours avec son air détaché du style « Han, la vie m’affecte trop pas la tête ».

« Il n’y a pas vraiment de portes ici. Du moment que tu ne te mets pas à tuer tout le monde. Je pense que tout se passera bien. Il y a beaucoup de nouveaux venus ici et tous ne sont pas forcément des pacifistes. Il y a donc un certain nombre de guerriers avec des armes peu discrètes qui se promènent dans tout Esperanza. Dit l’Omnyoji. Mais toutefois, il y a peut-être certains faibles qui s’énervent devant une telle incompréhension et qui attaqueraient tout ce qui bouge. Je ne sais pas. Mais sois prudent. »

Pendait qu’il ajoutait ces quelques mots, la ville d’Esperanza commençait à se faire voir de manière bien visible. Les grands bâtiments, les routes biscornues, cette ville au style ancien bien que très récente. Il s’agissait de la typique ville qui allait se consumer dans un incendie super shônen. Hao Asakura avait bien trop vu ce type de ville, il savait d’avance comme tout ceci allait se finir, dans un carnage totale. Dans le chaos le plus débile qui soit, et tout ça à cause des hommes.

« Voici Esperanza. Ca te plaît ? » Dit-il, en ne se demandant pas si ce type de ville existait à Méridian. « Personnellement, ajouta Ohachiyo, j’aurai préféré une vieille ville en pierre. Ca aurait été plus rigolo. »

Hao Asakura continua d’avancer, pour s’engouffrer dans la ville.

Le fait qu’une ville si imposante qu’Esperanza ne comporte aucune garde, aucune porte surveillée, aucune tour de guet laissa Raziel coi un long moment.

Plus le temps passait, et plus le Chevalier se disait que sa mort arrivait bonne dernière dans la liste des choses les plus étonnantes de sa journée.

Prenant tout de même les conseils de Hao au sérieux (à qui aurait-il pût se référer à par à lui?), Raziel cramponna de plus belle son épée. Les sourcils froncés, comme à son habitude, il suivit les pas lents mais déterminés de Hao.

La ville lui apparue, englobée dans l’humidité et la chaleur environnante. L’endroit débordait de monde ; foule compacte semblable à la sortie d’une fourmilière fraîchement éventrée. A la seule différence que ces fourmis n’avaient rien de clones bornés au travail, condamnés à faire vivre la communauté jusqu’à la fin de leurs jours. Non, bien au contraire, chaque individu était différent de son voisin, le plus généralement par ses vêtements ou son équipement, mais parfois par son espèce : là un humain, ici une sorte de robot, plus loin, un type à la couleur de cheveux totalement improbable.

Plus le groupe s’approchait de l’intérieur de la ville, plus les bâtiments se précisaient.
Des maisons, pour la plupart petites mais chaleureuses, se dressaient face à Raziel, avec, par intervalles réguliers, ce qui devait être des commerces.
Comme pour venir confirmer les supputations de Raziel, une odeur de viande cuite parvint à ses narines, les faisant frémirent de joie.

« Je ne sais pas encore si cette ville me plait, Hao, mais je crois que je vais en apprécier la cuisine. » Dit-il, l’air soudainement affamé.

Avec un regain d’énergie, le Séraphéen accéléra le rythme de la marche, bien décidé à découvrir d’où provenaient ces agréables effluves culinaires.
Ayant pris quelques pas d’avance, Raziel profita que son « guide » soit un peu derrière lui pour flâner, nez en l’air, observant avec une curiosité grandissante tout ces gens, étranges et colorés, grands, petits, l’air farouche ou totalement sympathique, aussi armés que lui ou à peine recouverts d’un pan de tissu…

D’un geste un peu théâtral, le Chevalier se retourna vers Hao et Ohachiyo, planta la pointe de son épée dans le sol, et déclara d’une voix forte :

« Alors, où comptais-tu t’arrêter? Par ici (et il agita la tête vers sa gauche pour appuyer son propos), je crois voir une auberge.»

Sans doute n’avait-il pas conscience à cet instant de ne pas être très discret, son armure dorée brillant au soleil, sa longue épée au côté, l’air toujours un peu hautain ne quittant pas si facilement son visage. Mais peu lui importait, bien sûr.
A vrai dire, sa préoccupation première était de trouver de quoi manger. Ah, et aussi…

« Hao… Comment paye-t-on, ici? »

Le soleil commençait peu à peu à descendre, la ville allait rapidement prendre une couleur orangée pas trop déplaisante encore. L’odeur des repas était certes alléchante mais Hao ne s’en souciait guère. Par contre, il constata que pour Raziel, c’était quelque chose de magnifique. Enfin, il faut croire. Ohachiyo sauta du haut de l’épaule où il était posé pour se barrer vers Raziel sentir l’odeur de la viande.

« Deux gamins. » Dit-il lentement. « C’est amusant. » Ajouta-il en faisant un pas vers eux.

« Oh, Hao. On peut manger ?! Ca me donne faim ! Ca doit être un gros steak ! Dis oui ! » Fit-il. Hao garda son sourire de glandeur (‘fin, pas trop quand même, c’est plutôt son frère le gros glandeur) et répondit calmement à Ohaychiyo.

« Oui, si tu veux. On va manger après. » Puis, en se tournant vers Raziel. « Je n’ai nulle part où aller en particulier. Mais je ne pense pas que je vais rester dans les environs. J’irai vers l’est… Ou l’ouest. Ca dépend. Peut-être que la situation est moins pitoyable ailleurs. » Puis il reprit Ohachiyo sur son épaule avant de finir sa phrase. « Et on paye en Jabbars ici. J’en ai un peu en réserve. Si tu en veux. Je veux bien te payer quelque chose. »

L’onmyoji se foutait bien de l’argent mais il en avait toujours si jamais il n’avait pas envie de faire un carnage à chaque petite envie de shopping. Oui parce que le « Je-prends-et-je-paye-pas. » [i]Ca marche pas. Vraiment.

« On mange ! Je veux manger ! Hurla Ohachiyo ! Je crève la daaaaaallle ! »

-Hj- Arg, désolé du temps de réponse… *se flagelle* -Hj-


Raziel fronça légèrement le nez face à l’excitation d’Ohachiyo près de lui. Cette chose était vraiment incontrôlable. Quoique, au vu de sa réaction à l’évocation de nourriture, l’estomac devait être son point faible. Avec une moue désabusée, le Chevalier poussa un petit soupir destiné à la créature, signifiant sa supériorité sur Ohachiyo. L’orgueil n’ayant jamais pu étouffer Raziel, celui-ci ne se privait pas de montrer son mécontentement vis-à-vis du petit être blanc.

Puis il se retourna vers Hao, et lui dit, une certaine surprise dans la voix :

« Oh… Jabbars. Bien. J’accepte ton offre, j’ai besoin d’un bon repas. Je trouverai rapidement le moyen de te rendre la pareille ; je ne peux décemment pas garder une dette envers qui que se soit. »

Et il ajouta mentalement : *Je trouverai bien une bourgade où l’on a besoin d’une épée et d’une main qui sache la manier… Les créatures hérétiques semblent pulluler, et je me dois de libérer ce monde de cette menace.*

Ohachiyo s’était mis à hurler, d’une voix par ailleurs très désagréable aux oreilles du Séraphéen. Pas le choix, il fallait le nourrir pour espérer qu’il se taise.

« En route. Je suis sûr que j’apprendrais des choses sur ce monde en n’en goutant la cuisine. » Déclara Raziel, pour le coup vraiment affamé.

Et il passa sans plus de cérémonie la porte de l’auberge la plus proche, depuis laquelle une délicieuse odeur de viande cuite à point s’élevait en volutes vaporeuses…

La pièce principale était grande, remplie de longues tables où l’on avait placé deux bancs de chaque côté, et où les quelques élus qui s’attardaient encore à cette heure parlaient à voix forte et buvaient sans doute plus que de raison.
Raziel attendit ses compagnons, debout, le dos droit, regard perçant à la recherche du maître des lieux.

- Hj, navré du retard et navré du post écrit avec deux de tensions qui veut peut-être rien dire Hj -

Il semblerait que les trois allaient manger ensemble aujourd’hui. En suivant lentement Raziel, ils entrèrent à leur tour dans l’auberge. Ohachiyo rouspétait sur le fait que bouffer avec un type pareil n’était pas une bonne idée mais Hao n’en avait cure. Le patron de l’auberge s’avança vers eux, leur montrant une place de libre de la main et s’en alla chercher quelques cartes. Sans perdre de temps, Hao allait s’asseoir tranquillement sans dire un mot avec Ohachiyo qui gesticulait dans tout les sens. Le petit démon avait également remarqué que cela énervait au plus haut point le Séraphéen. Et ça, ça l’amusait au plus haut point.

Le patron revint finalement et leur présenta une carte, carte qu’Ohachiyo s’empressa d’ouvrir pour vouloir tout commander.

« La cuisine n’est pas trop mauvaise par ici. Si tu veux de la viande, je te recommande leur steak au beurre d’ail. Dit-il avec son sourire, presque irritant, sur le visage. Personellement, je vais prendre leur salade mixte. Avec morceaux de poulet. Et toi Ohachiyo, que prends-tu ? »

Le petit fantôme était déjà en train d’entamer les bouts de pains qui traînaient sur les tables. Car il y a toujours des bouts de pains qui traînent sur les tables. Et, la bouche pleine, lança vaguement un « jveu du poachons. Dla trouit’ chilsenont ! »

« De la truite. Ok. » Il referma la carte et fixa Raziel, attendant quel sera son choix culinaire. Mais même avant sa réponse, il posa une question au séraphéen.

« Comment était ton monde ? À quoi il ressemblait ? » Le tout avec une mine qui faisait un peu « petit gamin qui demande à sa maman comment on fait des bébés ». Parce que Hao était quand même un peu intéressé à savoir à quoi ressemble les autres mondes, ça s’trouves. Ils étaient bien.

D’un geste lent et plein de confiance, Raziel s’assit à une place libre, posa son épée et son casque près de lui, et retira ses gants. L’atmosphère de l’auberge était saturée d’odeurs de cuisine, d’hommes en sueur, de fin de journée trop chaude et de mauvais vins. Mais le Séraphéen n’en avait cure, habitué qu’il était à ce genre d’ambiance. Et puis la faim vous fait oublier bien des désagréments…

Ohachiyo était bien sûr invivable, remuant, gesticulant, bondissant sur son banc, grignotant du pain en mettant des miettes partout sur la table. Heureusement pour lui, le patron vint distraire le début de colère de Raziel en lui mettant une carte dans les mains.
Il fallu quelques instants de réflexion au Séraphéen pour comprendre que la carte en question lui indiquait simplement ce qu’on pouvait lui servir ici. Et le nombre de plats étonna encore plus Raziel, qui se sentit un peu perdu dans ce flot de nouvelles coutumes à apprendre au plus vite. Il observa Hao choisir son menu et demander le sien au petit démon.

*Je vais suivre son conseil pour aujourd’hui… Et puis s’il me propose cela, c’est surement parce que c’est dans ses finances.*

Ses réflexions s’arrêtèrent là, car Hao sembla soudain être intéressé par la vie antérieure du Séraphéen.
C’était presque drôle de voir se peindre sur le visage du brun une expression curieuse et enfantine à la fois, comme si ce sujet de conversation avait vraiment de l’intérêt pour lui. Bien sûr, Raziel, bourré d’orgueil, se sentit flatté de tant d’attention, et s’empressa de répondre.

« Mon monde est… était magnifique. Nosgoth a toujours été un monde riche en paysages grandioses, en ruines majestueuses. Les villes étaient prospères, les hommes étaient bons. Mais la guerre a tout détruit. Les Vampires sont la cause de tout! De tout le mal! J’ai combattu toute ma vie cette race impure... Pour rien, semble-t-il. »

Il se tût un instant, ému par ses propres paroles, les poings serrés. Qu’il semblait loin le temps de la Purge Vampire, des combats à mort, des lames ensanglantées… Jamais plus il ne verrait son monde, il devait se faire à l’idée. Mais n’était-ce pas là sa chance? Si le combat avait été vain dans sa première vie, peut-être serait-t-il fructueux ici!

« Oui, mon monde était beau. Mais tout semble plus… complexe, ici. Et plus en paix. J’aimerais pourvoir mettre ma force au service de ce monde. Et détruire les vilainies qui pourraient le polluer. »

Plus par sarcasme que par véritable rancune, Raziel ne put retenir son regard de se poser sur Ohachiyo au moment où il prononça le mot ‘vilainies’. Ce sale petit rongeur allait gober tout le pain, à ce rythme!

Sur ce, et avant que Hao puisse ajouter un commentaire, le patron vint se planter près de leur table, l’air grognon. Il était laid, suant, son tablier blanc ne l’était plus depuis des décennies, et il regardait lui aussi Ohachiyo comme s’il était un rat plongeant son museau dans la soupe du jour. Un grognement digne d’un ours sortant d’hibernation leur indiqua qu’il voulait prendre la commande. En le toisant de son mieux (car il était assis), Raziel déclara d’une voix forte :

« Un steak. Au beurre d’ail. Bien cuit, et vite. »

*Je crois que c’était ce qu’il attendait, non?... Quel laideron. Espérons qu’il ait plus de mémoire que son visage ne le laisse supposer.*

Il fit craquer les phalanges de ses doigts en un geste peu élégant, et attendit la suite des événements avec un léger froncement de sourcils.

Ohachiyo s’était empifré, ayant fait une razia(raziel ? Haha, que je suis drôle) sur le pain et n’ayant laissé que des tas de miettes. Il avait tout englouti. Mais cela n’allait pas dire qu’il n’allait rien manger. Il observait toujours l’étrange phénomène répondant au nom de Raziel, il n’avait pas l’air de savoir comment s’utilisait une carte de restaurant mais pourtant il avait un orgueil de mongol. Du genre « Ouais je me la pète plus que tout le monde, même si comprends rien. » Bon d’un côté, Hao aussi faisait ça avec son côté « Ouais hein, la vie c’est trop cool que j’fais rien hein, j’suis pas concerné par les problèmes socialo-gastronomique, hein » et autres. De toute manière, au moins 70% des gens sur Del Fleien doivent être comme ça. En particulier ceux dont les noms ressemblent à Vaijaitah et Saifiross. Je ne vise personne.
Il écoutait vaguement les conneries qu’il disait, sa ville, son peuple ? Foutaise. Il était mort. Il n’allait probablement plus jamais revenir chez lui, qu’importe si c’était beau. Maintenant c’est Del Fleien son patelin.

Hao quand à lui était un peu plus intéressé que son fantôme. Le mal du monde de Raziel était donc les vampires. Hao avait aidé les vampires il y a près de 500 ans, en offrant un pouvoir divin à Vlad Tepes. Ceux qu’il a aidé étaient donc le mal dans un autre monde ? Intéressant. Surtout qu’il a combattu les vampires, POUR QUE DALLE. LA LOOSE. Si la paix régnait sur Del Fleien ? Pour l’instant ouais, mais combien de temps cela durerait-il ? À force de nouveaux bonhommes, y en a forcément un qui va pas aimer son camarade, et là fight. Et là, destruction du monde.

Ah non, on se faisait brider les pouvoirs. Del Fleien est un pays communiste chinois si ça se trouve.

Puis, Raziel commanda sa bouffe, Hao rajouta sa salade et Ohachiyo son poisson. Il demanda aussi un peu plus de pain. Le patron se contenta de sortir un morceau de baguette de pain d’on ne sait pas trop où et dont on ne voudrait sûrement pas savoir et le lança sur Ohachiyo. Il pesta un peu sur la bestiole, comme quoi il avait déjà assez donné avec une bestiole du même type jaune qui n’arrêtait pas de gueuler son nom et de lancer de la foudre, et s’en alla.

« Alors là tu vois, commença Ohachiyo, c’est le passage le plus chiant. Attendre qu’il revienne avec la bouffe. C’est super frustrant. Tu veux du pain au passage ? » Ajouta le petit démon en tendant un bout de la baguette à Raziel.

Hao quand à lui n’avait pas fini d’interroger le Séraphéen sur son monde. D’une part parce que ça l’intéressait, d’autre part parce que ça pouvait être marrant.

« Les gens. Comment étaient-ils ? En conflit avec la nature comme d’habitude ? » Lança-t-il, bien qu’il redoutait la réponse.

Raziel observait le petit démon engloutir le pain comme si personne ne l’avait nourri depuis 5 jours, sa petite bouche s’ouvrant et se refermant à une vitesse ahurissante. Le Séraphéen savait qu’Ohachiyo le regardait aussi, d’un regard moqueur qui vous traite en silence d’imbécile.

Une fois le gérant reparti vers les cuisines, Ohachiyo, entre deux remarques idiotes, tendit un bout de pain à Raziel. Celui-ci baissa les yeux sur ce qui aurait dû être de la nourriture, mais ne vit qu’une pâte informe, humide de bave et tenue par une main –si l’on pouvait encore appeler ça une main- poilue et griffue.
Les narines du Chevalier frémirent de dégoût, et, avec tout le calme dont il était capable (c’’est-à-dire très peu), il répondit :

« Non, je n’en veux pas. Je ne veux pas risquer une intoxication. »

Hao, peut-être volontairement, détourna l’attention de chacun en reprenant son interrogatoire. Raziel oublia le démon blanc aussitôt, trop intéressé par la conversation amorcée avec le jeune brun.
Hao posait des questions inattendues. Mais Raziel se fichait éperdument des raisons qui poussaient le jeune homme à avoir de telles préoccupations. En s’intéressant à son monde, il s’intéressait à lui, défenseur et protecteur dudit monde. De plus, parler de ce qu’il connaissait réellement rassurait le Chevalier en son for intérieur, lui qui venait tout juste de se faire catapulter vers l’inconnu.

« Les gens… Des humains, tous. Pas comme ici, apparemment. L’ordre social est- était, plutôt simple : la plupart étaient des habitants de bourgs, villes et villages, et une minorité, les Gardiens, maintenaient l’ordre dans le pays. Les Gardiens étaient en accord avec la Nature. Mon monde était en équilibre et en bonne santé grâce aux pouvoirs des Colonnes, une immense structure magique, reliée au cœur du monde. Puis il y a eu les Vampires, qui ont voulus s’approprier les Colonnes. Et le monde sombra dans la décadence. »

Bien sûr, tout tournait toujours autour de cette race maudite. Raziel, sans en être conscient, ne pouvait et ne voulait rejetter ‘la faute’ sur personne d’autre. Toute sa vie, il lui avait fallu un bouc émissaire, une tête de Turc, et même téléporté sur une nouvelle planète, son mode de pensées (et de vie?) restait inchangé.

« Mais non, les gens n’étaient pas en conflit avec la Nature. Pas les humains, pas le vrai peuple de Nosgoth. »

Raziel se permit un instant de réflexion.
Il n’avait pas achevé sa mission dans une première vie. Il allait le faire maintenant.

« Je voudrais découvrir ce monde. Tu m’as dit que cette ville était pourrie par les humains. J’ai vu mon monde pourrir par la faute des Vampires. Je veux protéger ce qui existe de bon ici. Même si je doute que les humains soit le véritable mal, hormis quelques individus (Son regard effleura un instant la silhouette du gros patron.). Peu importe. Existe-t-il un ordre, une confrérie, des chevaliers, ici? Agir seul me parait illusoire. Si tu ne sais pas, je vais parcourir la ville... Je dois trouver une nouvelle voie, comprends-tu? »

-HJ Ignore time percpetion, we're the 8 may 2009, ok ? HJ-

Ainsi, le monde de Raziel n'était pas comme celui d'Hao. Intéressant, il était tombé sur un monde particulier on dirait. Quel dommage que Del Fleien ressemblait plus au monde d'Hao que celui de Raziel en ce qui concerne la source du 'mal'. Mais cela lui apprenait déjà quelques petites choses.

Les vampires. Hao se souvient des vampires, même très bien. Il se rapelle avoir donné le pouvoir du vampirisme à Vlad Tepes afin qu'il devienne Dracula au 15eme siècle. Tout cela pour qu'il puisse se venger des humains qui l'ont trahi. Il avait débarassé la roumanie des turques en les empalant et après on le traitait de démon. Maudit soit ces humains ingrats. Le monde de Raziel avait l'air plutôt simple. Gentils. Méchants. Pas d'entre-deux. C'était assez manichéen comme système. Bien qu'Hao ne reconnaîssait aucune meileure idée que la sienne, il avouait volontiers que ses ennemis avaient de bons points ou quelques qualités. Il passait son temps à complimenter Yoh par ailleurs.

Le serveur apporta les plats mais Hao resta impassible, en fixant Raziel. Ohachiyo s'approcha de son assiete et après un "Bon appétit" en bonne et dûe forme, il attaqua son plat.

Il ne pensait pas que les humains pouvaient être la source du mal. Oui, visiblement, son monde était manichéen.

"Hélas. Commença-t-il finalement. Ces "quelques" individus sont bien plus nombreux que tu ne le penses. Ton peuple avait l'air exemplaire, mais ce n'est pas le cas dans mon monde, ni dans celui-ci. Les humains sont égoistes, capricieux, ingrats, la plupart sont profondéments mauvais. Et il ne se soucient de rien hormis de leur propre nombril. Petit à petit, ils détruisent l'environnement pour leur confort. Petit à petit, il détruisent les autres pour se sauver eux-même. Finalement, ils détruisent le monde, la nature, pour leur petits caprices misérables. L'être humain est le mal en quelque sorte. Pas tous. Il y a même beaucoup de personnes à la nature bonne. Mais il faut se méfier. Probablement plus que dans ton monde." Il attaque finalement son plat en affichant un sourire aux lèvres "Bon appétit !".

Ohachiyo l'avait écouté tout du long, plissant des yeux, il lui balança quelques messages telepathiques.

*On dirait que tu comptes l'enroler dans ton équipe ? La Hao's Army se reforme ?*
*Non non. Se contenta de penser Hao. Je vais le laisser faire ce qu'il veut. Et la prochaine fois que nous nous rencontrerons, il s'alliera à moi de sa propre volontée.*
*Tu ne disais pas ça tout le temps pour Yoh ?*
*Oui. Mais ça n'empêche pas de le redire*

Alors certes, Hao n'avait pas le pouvoir de télépathie (du moins, pas quand il n'a pas son oversoul) mais s'il se contentait de penser sa phrase, Ohachiyo, qui lui lisait dans sa tête, pouvait savoir ce qu'il disait. En gros, une conversation pouvait avoir lieu.

"Je ne sais pas s'il y a une ordre ou une confrérie par ici. Il existe un tas de gens qui s'allient, même s'ils viennent de monde différents. Il faudra que tu regardes un peu par toi-même. J'en suis navré." Ajouta-il entre quelques bouchées.

-HJ- Ok, ceci est un retard. Et j'en suis désolé. Je me maudis. Me flagelle. Me déteste et me condamne à lire entièrement la saga Twilight pour me punir. Rien que d'y penser, j'ai déjà mal au crâne... -HJ-



Quel était ce monde horrible où la méchanceté avait même corrompue les Hommes?
C’était très déstabilisant pour Raziel d’entendre de telles révélations dès son arrivée. Son esprit, embrouillé, bousculé, n’était plus capable de raisonner pleinement. Il lui fallait du temps et du repos pour s’adapter.

Il décida de commencer les recherches le lendemain, peut-être même de vivre quelques temps à la belle étoile, pour se familiariser avec ce nouveau monde.
Plus les révélations s’enchaînaient, moins Raziel se sentait d’attaque pour reprendre tout de suite ce qui n’avait pu être achevé sur Nosgoth.
Les paroles de Hao résonnaient dans sa tête, laissant doutes, questions, hésitations, inquiétudes dans leur sillon.

Bien que son esprit fut ailleurs, le Séraphéen découpa une part de viande dans l’assiette qu’on venait tout juste de poser devant lui, et porta sa fourchette à sa bouche. Il avala la première bouchée en silence et avec précaution, puis, constant que cette nourriture était bonne, il avala les morceaux suivants avec gloutonnerie. Quand il eu un peu calmé sa faim, il posa un instant ses couverts, et dit en regardant Hao :

« Je te remercie pour ton aide. Tu as fait de ton mieux, et ne t’excuses pas de ce que tu ignores encore. De plus, je te remercie aussi pour ce repas. »

Il finit en deux ou trois bouchées son steak.

« Hao, tu m’as bien aidé, et je te suis redevable. Je vais rester près d’Esperanza, pour l’instant. Et je payerai ma dette le moment venu. »

Ce soir, il dormirait au clair de lune. Ca ne changerait pas tellement ses habitudes. Il trouverait un abris, de quoi faire un feu. Rien de difficile. Puis il se mettrait en route, il chercherait une quête... Â nouveau départ, nouveau but à atteindre. Il ne restait plus qu’à attendre la fin de ce repas. Indéniablement, Raziel n’oublierait pas cette première rencontre de si tôt. Humain et créature alliés, révélations, questions.

*Il est temps de se mettre en route...*

Une fois que Hao aurait terminé son assiette (ainsi que Ohachiyo... s’il malheureusement il ne s’étouffait avec une arrête), Raziel prendrait congé. Il devait découvrir le monde, ses beautés et ses verrues... Pour mieux en éradiquer le mal. Et peut-être pour se venger, indirectement, du ridicule de sa mort.
Croisant les bras, le Séraphéen attendit la suite des événements... en jetant quand même un œil sévère au lapin mutant (qui pour une fois semblait calme).